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La Tactique dans le Football
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Le football, bien que souvent perçu comme un jeu d’instinct ou d’émotion, repose en réalité sur des logiques collectives complexes. À haut niveau, chaque déplacement, chaque passe et chaque prise de décision s’inscrit dans un cadre tactique défini, pensé en amont par les entraîneurs et ajusté en temps réel sur le terrain. Cette dimension, moins visible que les exploits individuels, détermine pourtant le déroulement d’un match bien plus qu’il n’y paraît.
Longtemps limitée à une poignée de spécialistes, la compréhension de la tactique s’est aujourd’hui largement démocratisée. La généralisation des ralentis, des analyses à la mi-temps, et l’essor de la culture du football sur les réseaux et les plateformes de vidéo ont favorisé l’émergence d’un public plus curieux, plus attentif à ce qui se joue au-delà du ballon. Comme l’expliquait Arrigo Sacchi dès les années 1990, « le football est un sport d’intelligence collective, pas d’improvisation individuelle » (cité par Wilson, Inverting the Pyramid, 2008).
Cet article propose ainsi une lecture claire et progressive de ce qu’est la tactique dans le football : ses grands principes, ses évolutions, ses usages, et surtout, des repères concrets pour mieux l’observer pendant un match. Il ne s’adresse ni aux experts ni aux néophytes, mais à toutes celles et ceux qui aiment ce sport et souhaitent le lire avec plus de précision.
I. Qu’est-ce que la tactique ? Définition et clarification
Le terme « tactique » est fréquemment utilisé dans le langage footballistique, souvent à tort ou de manière approximative. Il est essentiel de commencer par clarifier ce qu’il désigne réellement, et surtout ce qu’il ne désigne pas.
La tactique désigne l’organisation collective d’une équipe sur le terrain, avec et sans ballon, dans le but de maximiser ses chances de contrôler le jeu, de créer des occasions ou d’en concéder le moins possible. Elle repose sur des principes de positionnement, de coordination et de réaction entre les joueurs, que ce soit en phase offensive, défensive ou en transition.
Il est crucial de ne pas confondre tactique, stratégie, schéma et animation :
Le schéma de jeu (souvent exprimé par une série de chiffres comme 4-4-2, 4-3-3 ou 5-3-2) ne constitue qu’un point de départ. Il représente une photographie statique de l’organisation des joueurs au coup d’envoi, mais ne reflète ni leur comportement, ni les intentions collectives.
La stratégie, quant à elle, est l’approche générale décidée par l’entraîneur avant le match. Elle dépend du contexte : adversaire, enjeux, qualités de l’effectif, état du terrain. C’est le plan global qui guide les choix tactiques.
L’animation, enfin, désigne la manière dont les joueurs animent le schéma de base : qui monte, qui reste en couverture, comment les déplacements s’enchaînent, etc. Deux équipes en 4-3-3 peuvent jouer de manière totalement différente selon leur animation.
Ainsi, la tactique s’insère entre stratégie (le plan général) et animation (la réalisation concrète sur le terrain). Pour reprendre une métaphore proposée par le journaliste anglais Michael Cox (Zonal Marking, 2019), si le schéma est une carte, la tactique est l’itinéraire, et l’animation est la manière de conduire.
Dans cette optique, la tactique ne doit pas être vue comme une science figée, mais comme un langage collectif en perpétuelle adaptation. Chaque équipe développe ses propres repères, ses propres équilibres, et ajuste son jeu selon les conditions du match. C’est précisément cette dimension qui rend le football aussi fascinant à analyser.
II. Petite histoire de la tactique : comprendre son évolution
L’histoire de la tactique footballistique reflète l’évolution du sport dans son ensemble : d’un jeu ouvert, instinctif et individuel vers une discipline collective, structurée et codifiée.
Aux origines du football moderne, à la fin du XIXᵉ siècle, la tactique était quasi inexistante. On jouait alors en 2-3-5 ou 1-2-7, des schémas extrêmement offensifs, où la priorité était donnée au dribble et à la progression individuelle. À cette époque, la possession de balle passait souvent d’un joueur à un autre sans logique collective précise.
C’est dans les années 1920 que les premières révolutions tactiques émergent. Herbert Chapman, entraîneur d’Arsenal, impose le WM (3-2-2-3), un système équilibrant mieux attaque et défense après l’introduction du hors-jeu à trois joueurs en 1925. Ce système structure pour la première fois un collectif autour d’un schéma rationnel, fondé sur les zones.
Dans les années 1950-60, deux visions opposées marquent profondément le football :
Le football total néerlandais (Ajax, Pays-Bas) où les joueurs permutent sans cesse (Cruyff, Michels).
Le caténaccio italien, défensif, rigoureux, avec un libéro en couverture (Inter Milan, Helenio Herrera).
Ces deux écoles vont poser les fondations de la réflexion tactique moderne.
Dans les années 1980-90, une nouvelle vague structure le jeu à travers le pressing organisé, l’occupation rationnelle des espaces et la défense en zone. Arrigo Sacchi, entraîneur du Milan AC, impose un 4-4-2 linéaire, pressing haut, lignes compactes, où chaque joueur agit selon le positionnement du ballon, non de son adversaire direct (Sacchi, entretiens UEFA, 1994).
À partir des années 2000, on assiste à une nouvelle mutation : le football devient un jeu de pressing, de transitions rapides, et de gestion de l’espace. Les entraîneurs modernes (Guardiola, Klopp, Simeone, Mourinho) imposent des styles fondés sur une maîtrise tactique extrême, des séquences répétées et des collectifs flexibles. Les joueurs ne sont plus assignés à des postes rigides, mais à des zones, des tâches et des rôles dynamiques.
Aujourd’hui, la tactique n’est plus un outil marginal : elle est au cœur de la performance. Elle est aussi une culture qui s’apprend, se partage et s’observe. C’est pourquoi elle devient un véritable prisme de lecture du football moderne.
III. Les grands principes tactiques à connaître
Pour décrypter une organisation de jeu, il est essentiel de maîtriser quelques principes fondamentaux que l’on retrouve, sous des formes différentes, dans toutes les équipes structurées.
III.1. L’occupation des espaces
L’un des premiers objectifs tactiques est d’occuper efficacement le terrain. Il s’agit :
de créer de la largeur (étirer la défense adverse en jouant sur les ailes),
de provoquer de la profondeur (projections vers l’avant),
et d’exploiter les intervalles (espaces entre les lignes adverses).
Comme le résumait Guardiola dans une conférence donnée à la FIFA en 2017 :
« Le ballon se déplace plus vite que n’importe quel joueur. Si nous maîtrisons les espaces, nous contrôlons le match. »
Ce principe fonde les systèmes de possession moderne, notamment le jeu de position pratiqué par le Barça ou Manchester City.
III.2. Les quatre phases du jeu
Toute équipe passe, au fil d’un match, par quatre grandes phases :
Phase offensive : possession et construction.
Phase défensive : repli, bloc, marquage.
Transition offensive : récupération et contre-attaque.
Transition défensive : perte de balle et repli.
La tactique moderne accorde une importance centrale aux transitions. Les secondes qui suivent une perte ou une récupération sont les plus instables : c’est là que se jouent de nombreuses actions décisives. Le gegenpressing de Klopp repose précisément sur cette idée : presser immédiatement après la perte pour empêcher l’adversaire de relancer (Klopp, entretien Sky Sports, 2016).
III.3. Les blocs tactiques : bas, médian, haut
La notion de bloc désigne la hauteur à laquelle une équipe défend sur le terrain :
Bloc bas : position très reculée, à proximité de sa surface (Italie 2021, Atlético Madrid).
Bloc médian : zone intermédiaire, souvent utilisée pour contenir et contrer (Deschamps avec la France).
Bloc haut : pression dès la relance adverse, utilisé par les équipes très actives (Liverpool, City).
Chaque configuration implique des efforts, des risques et des objectifs différents. Un bloc haut fatigue plus mais permet de récupérer le ballon plus près du but adverse. Un bloc bas est plus sûr, mais nécessite efficacité et lucidité en contre.
III.4. Pressing et contre-pressing
Le pressing est l’action de mettre sous pression le porteur de balle adverse, seul ou en groupe. Il peut être :
Individuel : un joueur marque l’autre à la culotte.
Zonal : les joueurs pressent en fonction du ballon, non de l’homme.
Par déclenchement : certaines zones du terrain activent le pressing (zone-piège).
Le contre-pressing (ou pressing à la perte) consiste à presser immédiatement après avoir perdu le ballon. Cette tactique, très utilisée aujourd’hui, repose sur la capacité du collectif à agir de manière coordonnée dans les 5 secondes suivant la perte de balle.
III.5. Fluidité positionnelle et permutations
L’un des traits majeurs du football moderne est la mobilité collective : les joueurs changent régulièrement de zones. Un latéral peut venir à l’intérieur (inverted fullback), un ailier peut devenir avant-centre, un défenseur peut monter au milieu (ex : John Stones avec City en 2023).
Cela crée :
de l’incertitude chez l’adversaire,
des surnombres locaux,
et des espaces nouveaux.
Mais cela demande aussi un haut niveau de coordination, de compréhension tactique, et de répétition à l’entraînement.
IV. Comment analyser un match de manière tactique ?
Pour un spectateur curieux, comprendre la tactique ne nécessite pas d’avoir suivi un cursus de coaching. Quelques réflexes simples permettent d’adopter une lecture plus fine du jeu.
IV.1. Identifier la structure de base
Observer sans ballon la disposition globale des joueurs.
Quelle est la ligne défensive ? Combien de joueurs au milieu ? Deux ou trois attaquants ?
Cela permet de repérer le schéma (4-4-2, 4-3-3, 5-3-2…), même si celui-ci est parfois flexible.
IV.2. Observer le comportement avec ballon
Par où l’équipe construit-elle ? Courts relais ou longs ballons ?
Quels joueurs déclenchent les actions ? Les latéraux montent-ils ?
L’équipe cherche-t-elle la possession ou la verticalité ?
Exemple : si le gardien relance toujours court avec ses défenseurs centraux, il y a probablement volonté de construire calmement. Si les latéraux restent bas, c’est peut-être par prudence ou contrainte tactique.
IV.3. Observer le comportement sans ballon
Où l’équipe défend-elle ? Dans quel bloc ?
Les attaquants pressent-ils ? Se contentent-ils de fermer les lignes ?
Les milieux couvrent-ils les couloirs ou resserrent-ils l’axe ?
Ce sont ces phases « invisibles » qui donnent la structure du match. Beaucoup d’équipes passent plus de temps sans ballon qu’avec.
IV.4. Décrypter les transitions
Que se passe-t-il après une perte de balle ?
L’équipe presse immédiatement (contre-pressing) ?
Ou se replie rapidement en bloc ?
Que fait l’équipe à la récupération ?
Accélère-t-elle (jeu direct, verticalité) ?
Ou cherche-t-elle à poser le jeu ?
Ces moments sont déterminants car ils révèlent la stratégie prioritaire de l’entraîneur.
IV.5. Repérer les déséquilibres
Où se trouvent les surnombres ou les espaces récurrents ?
Quelle équipe domine les duels ?
Quel joueur est souvent recherché ?
Ces indices tactiques permettent d’anticiper les points de rupture d’un match (failles ou dominations structurées).
V. L’importance du contexte dans l’analyse tactique
Une équipe n’évolue jamais dans le vide. Le contexte d’un match influe considérablement sur les choix tactiques, leur efficacité, et leur pertinence. Un système bien rodé peut se révéler inefficace dans un cadre mal adapté.
V.1. Le contexte de l’adversaire
Le premier facteur de variation est la nature de l’équipe adverse. Face à une équipe très offensive, une tactique plus prudente peut être privilégiée : bloc médian, transitions rapides, double rideau défensif. À l’inverse, contre une équipe regroupée, il faut chercher à désorganiser un bloc compact par la largeur, le mouvement et la patience.
Beaucoup d’équipes modifient leur intensité de pressing ou leur animation offensive selon les caractéristiques de l’adversaire. Par exemple, contre une équipe qui relance proprement, certains entraîneurs privilégient un pressing haut dès le gardien, comme l’a souvent fait Klopp contre Manchester City.
V.2. Le contexte du match lui-même
Le déroulement d’un match impose des ajustements tactiques. Une équipe qui mène au score peut baisser son bloc pour préserver l’avantage ; une équipe menée peut passer en 4-2-4 ou faire entrer un deuxième attaquant.
Certains entraîneurs planifient même des changements tactiques programmés en fonction des scénarios : Guardiola ou Deschamps modifient souvent la hauteur du pressing ou le positionnement de certains joueurs à la 60ᵉ minute selon l’évolution du score.
V.3. Le contexte externe
Des éléments externes influencent également les choix tactiques :
Le lieu du match : jouer à domicile permet souvent de prendre plus de risques.
La compétition : en match aller-retour ou en finale, les choix sont plus prudents.
L’état du terrain ou les conditions météorologiques : un terrain gras peut favoriser un jeu long et direct.
Ce que l’on peut percevoir comme une « mauvaise tactique » est souvent en réalité une adaptation au contexte : prudente, mesurée, voire stratégique.
VI. Pourquoi une tactique réussit ou échoue ?
Une bonne idée tactique ne suffit pas à garantir la réussite. Plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un projet tactique fonctionne sur le terrain.
VI.1. La compatibilité avec les joueurs disponibles
C’est la règle d’or. Un entraîneur peut avoir une idée brillante sur le papier, mais si ses joueurs ne possèdent pas les caractéristiques techniques, physiques ou mentales pour la mettre en œuvre, le projet est voué à l’échec.
Par exemple, demander un pressing haut à une ligne d’attaque lente est contre-productif. De même, vouloir construire de derrière avec des défenseurs peu à l’aise balle au pied expose à des pertes dangereuses. C’est pourquoi Deschamps, lors de la Coupe du monde 2018, a opté pour un jeu plus vertical et prudent, correspondant mieux à son groupe (L’Équipe, juin 2018).
VI.2. La cohérence dans le temps et le travail des automatismes
La tactique ne s’improvise pas. Elle repose sur la répétition. Les déplacements collectifs, les zones de pression, les schémas de relance doivent être intégrés par tous les joueurs. Une équipe sans cohérence ni repères collectifs se désorganise rapidement dès que le rythme s’accélère.
C’est pourquoi les entraîneurs les plus structurés insistent sur la répétition des circuits de jeu à l’entraînement, même au plus haut niveau. Les fameuses séquences de "pattern play" (jeux à zones) chez Guardiola sont là pour automatiser certains enchaînements offensifs (The Coaches’ Voice, 2020).
VI.3. L’intelligence d’adaptation en cours de match
Même une tactique bien conçue doit savoir évoluer. L’entraîneur doit pouvoir réagir aux imprévus : un carton rouge, une blessure, une faiblesse révélée en face. Les plus grandes réussites tactiques incluent souvent des ajustements en direct, comme Deschamps lors de France – Belgique (CDM 2018), où le passage à un bloc médian très compact a neutralisé la domination belge.
À l’inverse, le refus d’adapter un plan initial peut mener à l’échec, comme en témoignent certains grands matchs perdus « par dogmatisme » tactique. Une bonne tactique est donc toujours une base évolutive, jamais un carcan rigide.
Conclusion
La tactique n’est pas un luxe réservé aux entraîneurs ou aux analystes professionnels. Elle est au contraire le langage invisible du football, accessible à tous ceux qui veulent comprendre pourquoi une équipe domine, subit, déséquilibre ou se fait dépasser.
Mieux appréhender les principes tactiques, les schémas, les transitions, les ajustements contextuels permet d’observer les matchs avec un œil plus affûté, plus exigeant, mais aussi plus passionné. La tactique révèle la profondeur du jeu, sa dimension collective et stratégique, bien au-delà des gestes techniques ou des statistiques individuelles.
Cet article a posé les bases. Les suivants viendront compléter cette lecture avec des exemples concrets de systèmes de jeu, des analyses stratégiques et des portraits de philosophies d’entraîneurs. Car le football, s’il reste un sport populaire, n’a jamais cessé d’être aussi une affaire d’idées.
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