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De la stratégie à l'animation
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Dans le langage courant du football, les termes « tactique », « stratégie », « système de jeu » ou encore « philosophie » sont souvent utilisés de manière interchangeable. Pourtant, ces notions désignent des réalités différentes, à la fois dans le temps, dans l’intention et dans l’exécution. Ce flou terminologique rend difficile la compréhension du jeu dans toute sa richesse.
Pour les entraîneurs professionnels, distinguer ces niveaux est une nécessité : c’est ce qui permet d’articuler un projet cohérent, d’adapter un plan de match ou de construire une identité de jeu. Pour un spectateur averti, ces distinctions offrent une lecture bien plus fine de ce qui se joue réellement sur le terrain, au-delà de la simple disposition des joueurs.
Cet article propose donc une grille de lecture claire : stratégie, tactique, animation et philosophie. Chacune de ces dimensions sera définie, illustrée par des exemples concrets, et replacée dans le contexte du football moderne. Car c’est dans l’articulation de ces niveaux que naissent les grands projets, les idées fortes et, parfois, les déséquilibres.
I. Définir les concepts fondamentaux : stratégie, tactique, animation, philosophie
Le football est un sport d’organisation, de coordination et d’intention. Mais toutes les formes d’organisation ne répondent pas au même besoin ni à la même temporalité. Pour y voir clair, il faut distinguer quatre niveaux logiques que l’on retrouve dans toute équipe structurée :
I.1. La stratégie
La stratégie est le plan général décidé en amont, en fonction d’un adversaire, d’une compétition, d’un moment de la saison. Elle répond à la question : que voulons-nous accomplir dans ce match ou cette phase de la compétition ?
Elle peut viser à :
Contrôler un match (ex. : garder le ballon pour réduire les risques),
Surprendre (ex. : attaquer dès l’entame alors qu’on s’y attend peu),
Minimiser les pertes (ex. : chercher le nul à l’extérieur),
Gérer une avance (ex. : temporiser après avoir marqué).
La stratégie dépend fortement du contexte, comme l’explique Didier Deschamps :
« Ce n’est pas la meilleure équipe qui gagne, c’est celle qui joue le mieux le match qu’on lui propose. » (Conférence de presse, 2022)
I.2. La tactique
La tactique est l’organisation concrète décidée pour appliquer cette stratégie. Elle détermine le placement des joueurs, les zones à occuper, les hauteurs de bloc, les formes de pressing ou de relance. Elle répond à la question : comment allons-nous contrôler l’espace et les actions du jeu ?
Elle se traduit par des choix comme :
Bloc bas ou pressing haut,
Densification de l’axe ou couverture des couloirs,
Relance courte ou jeu direct.
C’est un niveau intermédiaire, qui structure le match sans en définir tous les mouvements. Deux équipes avec la même stratégie (par exemple, ne pas encaisser) peuvent utiliser deux tactiques opposées (l’une en bloc bas, l’autre en pressing constant).
I.3. L’animation
L’animation est ce que font réellement les joueurs sur le terrain. Elle désigne la manière dont le système et la tactique sont “animés” par les déplacements, les appels, les permutations, les circuits de passes. Elle répond à la question : comment les joueurs donnent vie au plan établi ?
C’est à ce niveau qu’interviennent :
Les latéraux qui rentrent à l’intérieur,
Les ailiers qui plongent dans l’axe,
Les milieux qui se projettent ou décrochent selon les situations.
Par exemple, deux équipes en 4-3-3 peuvent avoir une animation radicalement différente : l’une cherchera la possession par des triangles en zone basse, l’autre cherchera à déséquilibrer par des courses verticales dans le dos des défenseurs.
I.4. La philosophie
Enfin, la philosophie désigne la vision du jeu défendue par un entraîneur ou un club sur la durée. Elle transcende le match unique pour définir une ligne directrice stable, quelle que soit l’adversité. Elle répond à la question : quelle identité voulons-nous incarner dans le jeu, à travers le temps ?
C’est ce niveau qui distingue des entraîneurs comme :
Marcelo Bielsa : jeu vertical, intensité, dépassement de soi.
Pep Guardiola : contrôle par la possession et occupation rationnelle des espaces.
Jürgen Klopp : pressing haut, transition rapide, verticalité.
Une philosophie forte structure les décisions de recrutement, la formation des jeunes, la communication du club. C’est le socle du long terme.
II. La stratégie : adapter le jeu au contexte
La stratégie est souvent ce que l’on ne voit pas directement dans un match, mais qui oriente tous les choix faits en amont. Elle s’appuie sur une lecture du contexte, une anticipation des scénarios, et une définition claire des priorités.
II.1. Stratégie de match
Elle consiste à définir :
L’objectif recherché (victoire, nul, ne pas encaisser),
Le rythme voulu (conserver, accélérer, désorganiser),
Les moments clés (entame agressive, fin de match défensive),
Les joueurs ciblés (marquage spécifique, zone-piège…).
Exemple : face à l’Espagne en 2021, l’équipe de France adopte une stratégie de conservation à mi-bloc, acceptant de subir la possession, pour frapper en contre grâce à Mbappé et Benzema.
II.2. Stratégie de tournoi ou de saison
Elle peut aussi s’inscrire dans un temps long :
Gérer les temps faibles d’une saison,
Accepter un nul à l’extérieur pour tout jouer à domicile,
Faire tourner l’effectif en vue d’un match plus important,
Choisir un objectif prioritaire (coupes, championnat…).
Exemple : Deschamps lors de la Coupe du Monde 2018 établit une stratégie match par match, adaptant le plan à chaque adversaire (Argentine : ouverture, Uruguay : gestion, Belgique : bloc bas et transitions rapides).
II.3. Stratégies d’entraîneurs spécifiques
José Mourinho : stratégie pragmatique, souvent tournée vers le résultat immédiat, en fonction du contexte. Il peut adapter son plan à la moindre faille de l’adversaire.
Zinédine Zidane (Real Madrid) : stratégie souple, gestion d’équipes expérimentées, adaptation selon la dynamique mentale et physique du groupe.
Marcelo Bielsa : stratégie constante, très peu dépendante du contexte, ce qui en fait un cas à part.
La stratégie est donc le filtre par lequel tous les choix sont interprétés. Elle est souvent invisible, mais structure toute l’approche du match.
III. La tactique : structurer le jeu selon les objectifs
La tactique correspond à l’organisation concrète que l’entraîneur met en place pour atteindre l’objectif stratégique. Elle concerne le positionnement des lignes, la hauteur du bloc, les zones de pression, les consignes collectives en attaque et en défense. Elle s’exprime à travers le choix d’un système, mais aussi et surtout à travers la manière de gérer l’espace.
Prenons l’exemple d’une équipe qui veut empêcher son adversaire de relancer proprement :
Sa tactique pourra reposer sur un pressing haut, en orientant le jeu vers une aile, en refermant les lignes de passes intérieures, et en piégeant la relance par une densité ciblée. Cette logique tactique peut être adoptée dans plusieurs systèmes (4-3-3, 4-2-3-1, 3-4-3), tant que les comportements collectifs sont coordonnés.
Inversement, une équipe qui choisit de reculer en bloc bas ne renonce pas forcément à attaquer. Elle adopte une tactique de contrôle de l’espace défensif pour mieux exploiter les transitions. C’est ce que fait régulièrement l’Atlético de Madrid de Simeone : compacité, couverture axiale, densité entre les lignes – autant de choix tactiques alignés sur une stratégie d’attente et de réaction.
La tactique est aussi une manière d’organiser les responsabilités :
Qui presse ?
Qui couvre ?
Quelle zone appartient à quel joueur ?
Où commence la relance ?
Comment on réagit à une perte de balle ?
Ce niveau d’organisation doit être suffisamment clair pour être compris par les joueurs, mais assez souple pour s’adapter au déroulement du match. Une tactique trop rigide peut être exploitée par l’adversaire, surtout si elle ne prévoit pas d’alternative en cas de difficulté.
IV. L’animation : la réalité du jeu sur le terrain
L’animation est ce que les chiffres ne montrent pas. Elle désigne la manière dont les joueurs animent collectivement les différentes phases du jeu, avec ou sans ballon. C’est la transformation vivante d’un plan tactique en action réelle. Elle dépend du profil des joueurs, de leurs habitudes, de leur lecture du jeu, et de la coordination entre eux.
En phase offensive :
Une équipe peut adopter :
Une animation large, avec des latéraux hauts et des ailiers intérieurs,
Une animation plus axiale, en densifiant le milieu et en projetant les milieux de terrain,
Une animation par circuits de passes prévus, répétée à l'entraînement.
Par exemple, le Manchester City de Guardiola positionne souvent ses latéraux à l’intérieur du jeu, au niveau des milieux, pour créer un surnombre axial et libérer les ailes. Le Napoli de Spalletti en 2023 organisait ses attaques par des triangulations rapides sur les côtés, avec des permutations constantes entre ailiers et latéraux.
Dans un même système (disons un 4-3-3), deux animations différentes peuvent produire deux styles de jeu opposés. Tout dépend :
De la hauteur des latéraux,
De la mobilité des milieux,
De la position réelle du « faux 9 » ou de l’avant-centre.
En phase défensive :
L’animation désigne aussi les comportements sans ballon :
Les lignes défensives sont-elles resserrées ?
Le pressing est-il déclenché à la perte ou en zone haute ?
Comment les joueurs basculent-ils en cas de changement de côté ?
Le RB Leipzig, par exemple, applique une animation défensive orientée vers la récupération rapide en zone centrale, en se repliant immédiatement après une perte pour refermer les couloirs d’accès.
Plus une équipe est entraînée à des animations cohérentes, plus elle peut modifier ses schémas en cours de match sans désorganisation apparente. L’animation n’est donc pas un simple « habillage » : c’est le moteur invisible d’une équipe en mouvement.
V. La philosophie de jeu : l’identité d’une équipe ou d’un entraîneur
La philosophie de jeu désigne la manière constante dont une équipe choisit d’aborder le football. Elle reflète une vision du jeu qui s’exprime au-delà du contexte d’un match : elle structure le recrutement, la formation, les consignes, et parfois même l’image du club ou du sélectionneur.
Certains clubs ou entraîneurs construisent des philosophies fortes :
Pep Guardiola : domination par la possession, occupation rationnelle des espaces, pressing après perte immédiate.
Jürgen Klopp : football vertical, intensité physique, pressing très haut, transitions fulgurantes.
Marcelo Bielsa : jeu en homme à homme, pressing constant, projection rapide, sacrifice collectif.
Diego Simeone : organisation défensive extrême, esprit de groupe, efficacité dans les temps forts.
À un niveau collectif, des clubs comme l’Ajax Amsterdam, le FC Barcelone ou l’Athletic Bilbao développent des philosophies continues, enseignées dès la formation, fondées sur un modèle de jeu historique. Cela donne une cohérence structurelle : le jeu est lisible, identifiable, et les profils recrutés y sont adaptés.
Mais une philosophie n’est pas une religion : elle doit coexister avec la stratégie. Un entraîneur fidèle à sa philosophie saura l’adapter légèrement pour faire face à une situation donnée. Guardiola l’a montré en modifiant ponctuellement son pressing ou ses relances selon les adversaires. Klopp, en période de blessure, a parfois abandonné le contre-pressing pour un jeu plus prudent.
Enfin, certains entraîneurs se méfient des philosophies figées :
Zinédine Zidane, au Real Madrid, a revendiqué une approche plus fluide, fondée sur l’adaptation, la lecture du vestiaire et l’intelligence des joueurs. Il a utilisé plusieurs systèmes, plusieurs formes d’animation, sans qu’on puisse identifier une ligne unique – mais avec une constance : gagner en s’adaptant.
La philosophie est donc la couche profonde du projet de jeu. Elle permet la stabilité dans la durée, donne une ligne claire, mais doit laisser place à l’intelligence contextuelle.
VI. Interactions et tensions entre les niveaux
Dans la réalité du terrain, les quatre niveaux que nous avons décrits — stratégie, tactique, animation et philosophie — ne fonctionnent pas séparément. Ils interagissent en permanence. La qualité d’un projet de jeu dépend souvent de l’alignement entre ces couches, mais aussi de la capacité à gérer les tensions lorsqu’elles apparaissent.
VI.1. Cohérence : quand tout s’aligne
Un entraîneur qui parvient à articuler sa philosophie, ses choix tactiques, son animation et ses stratégies ponctuelles produit un jeu clair, lisible et performant. C’est le cas de Guardiola : sa philosophie de possession guide sa stratégie (dominer le tempo), sa tactique (bloc haut, densité au cœur du jeu), et son animation (latéraux intérieurs, relances courtes).
On peut citer aussi Roberto De Zerbi (Brighton, puis Shakhtar) : une idée de jeu très marquée (relance courte à tout prix, progression en triangles), traduite dans chaque choix, même face à des adversaires plus forts. Cela crée une identité forte, identifiable et stable.
VI.2. Tensions : quand les niveaux se contredisent
Il arrive que ces couches ne soient pas alignées, ce qui crée des déséquilibres. Par exemple :
Une équipe qui affiche une philosophie de jeu ambitieuse mais recule dès qu’elle mène au score : tension entre discours et stratégie.
Un entraîneur qui change de tactique à chaque match sans stabilité d’animation : difficulté à créer des automatismes.
Un club qui promeut une philosophie de formation axée sur la possession mais recrute un entraîneur défensif : incohérence institutionnelle.
Ce genre de décalage est courant dans les clubs sous pression de résultats : l’urgence conduit à abandonner la cohérence de fond au profit de solutions immédiates.
VI.3. Entraîneurs selon leur profil d’équilibre
Chaque entraîneur gère différemment ces niveaux :
Guardiola, Sarri, Bielsa : priorité à la philosophie, et grande fidélité dans les choix tactiques.
Klopp, Ancelotti, Luis Enrique : philosophie forte mais stratégie très adaptée selon le contexte.
Deschamps, Allegri, Mourinho : stratégie d’abord, adaptation permanente, philosophie secondaire voire absente.
Aucun modèle n’est supérieur à un autre. Ce qui compte, c’est la maîtrise de l’équilibre entre constance et flexibilité. Trop de rigidité expose à la prévisibilité. Trop d’adaptation empêche l’installation d’une identité.
Conclusion
Le football n’est pas un chaos désordonné, ni une science exacte. Il est un jeu d’organisation, de mouvement et d’idées. Lire un match à travers les notions de stratégie, tactique, animation et philosophie permet de comprendre comment et pourquoi une équipe joue comme elle joue.
Cette lecture donne aussi des clés pour interpréter les choix des entraîneurs : certains misent sur la fidélité à une vision, d’autres sur l’intelligence de l’adaptation. Certains clubs veulent construire une identité, d’autres recherchent l’efficacité immédiate.
Pour le spectateur, c’est une manière d’apprécier le jeu au-delà du ballon, dans ce qu’il dit des intentions, des projets, des structures. Loin de la fascination pour les seuls schémas ou les chiffres, cette approche replace le football dans ce qu’il est fondamentalement : un sport collectif guidé par des idées.
Dans l’article suivant, nous explorerons une dimension de plus en plus décisive dans la conception et l’ajustement des idées de jeu : l’analyse vidéo, la data, et le rôle du staff dans le football moderne.
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